La Pierre-qui-tourne ou « el pîre qui toûne »

Michel Duboisdengien nous écrit : « Ce monde de l'occulte, de l'incompréhensible, de l'angoissant, du magique, se manifeste souvent dans nos hameaux ou en bordure de ceux-ci dans nos forêts, dans nos marais, au-delà des limites sécurisantes du village. L'occulte, c'est le monde des chemins creux, domaine des ronces, souvent malfaisantes, toujours imprévisibles, des fougères traîtresses camouflant quelque Pierre-qui-Tourne, vestige du passé et qu'on dit capable de tourner lorsqu’elle entend sonner minuit à l’église de Court ».

Cette large pierre plate constituée d’une roche non indigène est située au pied d'un chemin creux, dans le prolongement de la Rue Saussale (1). Cette voie était autrefois le chemin le plus court reliant le hameau de Beaurieux à un très vieux chemin, voie de communication majeure, reliant Nivelles à Herstal via Jodoigne et Landen,  le Chemin de Nivelles (2). La voie, très importante au Moyen-Age, existait déjà à l'époque gallo-romaine et très probablement plus tôt encore. M. Brou rapporte que, le long de ce très vieux chemin , les mégalithes ne sont pas rares et il cite une dizaine de tumulus, menhirs, alignements de pierres ou autres mégalithes.

Oubliée (ou cachée volontairement ?), la pierre n'apparaissait plus que très partiellement dans le chemin creux. En 1971, des travaux de dégagement font apparaître la dalle. D'une épaisseur constante de 45 cm et d'une forme générale pentagonale, sa plus grande dimension est de 2,70m et sa largeur maximale est de 1,90m. Compte tenu de ces dimensions, la pierre doit peser quelque 4 tonnes!  Les déblais dégagés étaient constitués de terres, sables et pierres de toute nature. Par contre, un début de dégagement sous la dalle montra un terrain argilo sablonneux non remanié. Sous cette grande dalle,  une dalle-support fut dégagée; posée à plat, cette pierre plus petite est taillée en forme de trapèze rectangle (base 75 x 25 cm, hauteur 55, épaisseur 25 à 32 cm) et est de même nature géologique (3). Dans le prolongement de la première dalle et au même niveau, plus loin dans l'épaisseur du talus, une deuxième dalle (aujourd'hui non visible) de même nature a été dégagée. De forme oblongue (dimensions maximales 2,05m sur 1,42m sur 45 à 50 cm d'épaisseur) et d'un poids de 2500kg, elle repose sur un cailloutis hétérogène mais naturel. Mr Brou conclut en la présence ici d'un dolmen paléolithique.
 
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MAIS.... Ludovic LAN, archéologue, nous a fait parvenir la remarque suivant en date du 11 août 2008 : « ... je ne pense pas, comme M. Brou, qu'il s'agisse d'un dolmen paléolithique. En réalité, il n'existe pas de dolmen à cette période (sauf le cas de Göbekli Tepe en Turquie, "temple" mégalithique pré-Néolithique, il y a env. 12 000 ans ). Par ailleurs, il existe la même dalle circulaire à Virginal-Samme, dans le bois du Fauquez, que l'on appelle la "Table aux sorcières". Il s'agirait là (avec quasi certitude) d'une meule de moulin inachevée, qui daterait du Moyen-Âge ou des Temps Modernes... » et vous, quel est votre avis? ... une belle étude en perspective... avis aux amateurs.
Le site a été rénové en 2017, remplaçant les billes de bois verticales par des gabions… qu'on peut espérer bientôt recouverts de végétation.
Quant à la Pierre, son nouveau socle lui permettra-t-il d'encore tourner un jour? Chacun appréciera le "modernisme" du nouvel aménagement…
Notes :  (1) saussale ou saussaile proviendrait du mot wallon saussaie, synonyme de saulaie, lieu planté de saules.  (2) Pepin de Landen et de Herstal sont respectivement le père et le neveu de Sainte Gertrude de Nivelles, patronne des voyageurs.  (3) Sans doute transporté depuis Blanmont, La Pierre qui Tourne est un grès siliceux. Cette roche du tertiaire est intercalée entre le socle paléozoïque et les sables de la Formation de Bruxelles, et est représentative de la Formation d'Erquelinnes. Bibliographie : 
  • BROU W.-C., 1972. La pierre-qui-tourne de Beaurieux sur Court-Saint-Étienne, dans Le folklore brabançon, n°196, p.414-427.
  • DELCAMBRE B., & PINGOT J.-L., 2002. Chastre Gembloux 40/5-6, carte géologique de Wallonie, notice explicative, 72 p .
  • DUBOISDENGHIEN M., 1992,  Dans les rues du village : Histoire de Court, histoire tout court. Edition Quorum, p. 91.     

JPhL 08/2004
maj 11/08/2008