Le tracé de la rue du Village apparaît clairement sur la carte dressée par le comte Ferraris en 1777 pour les Pays-Bas autrichiens. Appelé sentier de l’Église en 1858 et parallèle au chemin de la Place (future rue Coussin Ruelle) c’est là que battait le cœur de Court-Saint-Étienne, puisque s’y trouvaient à la fois l’église, le château bien sûr, mais aussi la maison communale, la gendarmerie, la poste, quelques commerces et une école. Au fil des nécessités et de la modernisation des moyens de transport cette rue fut délaissée au profit de la rue Coussin Ruelle, son pavage et sa forte inclinaison faisant souffrir les attelages d’abord, les véhicules automobiles ensuite. Au XIXe siècle, l’expansion de la fonderie Henricot et le passage du chemin de fer vont déplacer le centre du village. Pour nous aider à imaginer ce que pouvait être la rue du village au début du XXe siècle rejoignons Henri Ceulemans qui l’empruntait avant la guerre 1914-1918 pour se rendre à l’école au Werchai ; c’est donc à la sortie du moulin que nous le retrouvons pour remonter cette rue aujourd’hui classée : « La première maison à droite était une vieille boulangerie occupée par Felix Cloeds. Il devait être arrivé la fin du siècle dernier quand mon grand oncle M. Debontridder est venu du pays de Malines pour installer son moulin industriel. La femme de ce boulanger s’appelait Jeannette. On allait donc chez Jeannette. Cette maison a été démolie et rebâtie aujourd’hui. C’était une ancienne construction, très basse, une salle à gauche, une salle à droite, pas de jardin, pas de cour. Dans la pièce de droite c’était une boutique où j’allais acheter des boules. Ils habitaient dans la pièce de gauche où se trouvait également le four de la boulangerie. La vente des pains, ils la faisaient avec une charrette à deux roues tirée par un chien. La deuxième maison a été l’hôtel communal, que j’ai bien connu car mon père y fut bourgmestre au début du siècle. Derrière cet « hôtel communal », il y avait une maison d’habitation avec une galerie couverte, il y a eu une école à cet endroit. La poste aussi s’est installée un temps en ces lieux. Nous voici à la grande maison qui fut la salle de conférence, de spectacle de Court-Saint-Étienne à cette époque. Tout le premier étage en façade -il y avait des fenêtres- était une grande salle. En dessous, c’était le café Oleffe. C’était là que la fanfare des Noirs Talons répétait tous les samedis. De cette grande demeure, on en fit deux qui furent vendues par la suite. Nous arrivons à la première maison d’un bloc de trois, quatre bâtisses. Là habitait la famille Minique, dont une « demoiselle Minique » qui a atteint cent ans. Toutes les maisons dont je parle maintenant ont leur terrain qui est mitoyen du parc du comte Goblet d’Alviella. Après Minique, il y a une maison – où habite M. Gérard – qui était occupée vers 1914 par M. Simon, un receveur des contributions. Au même endroit, ont habité les sœurs de la Charité. Avec la maison suivante, nous arrivons dans les propriétés du comte Goblet. C’est une maison où, toujours vers 1914, résidait Xavier Sinechal, il avait une petite imprimerie dans la maison mitoyenne, ensuite la maison fut occupée par M. Mertens, régisseur du compte Goblet, puis par la gendarmerie, l’école des Trois Pommiers et ensuite par la comtesse, veuve du comte Jean Goblet d’Alviella. L’ancienne imprimerie quant à elle, fut louée un moment à l’école de la gardienne Saint-Étienne ; une religieuse y donnait cours. Nous voilà donc à la grille du château. Mais revenons en bas de la rue. Juste en face de la boulangerie Jeannette, il y avait le magasin Au Louvre, tenu par une modiste. C’était un très bel endroit: il y avait trois grandes vitrines, deux à la rue du Village et une à la rue Coussin Ruelle. Elles étaient toujours très soignées, très recherchées, agrémentées de mannequins, de poupées, etc… C’était vraiment l’endroit chic de la localité. Plus tard s’y est installé un marchand de vélos. Les deux ou trois maisons « au-dessus » je les ai toujours connues, c’est la maison du plombier Hardy actuellement. Après il y a un parking; il y avait une maison à cet endroit, c’était une vieille maison assez massive, qui n’était pas dans l’alignement des autres, elle a été démolie avant la guerre 1940-1945. Nous voici à la maison dans laquelle ont vécu plusieurs personnes, entre autres, un percepteur des postes et Oger Bonnet, l’ancien secrétaire communal. Étape importante, nous arrivons chez Alzire, un des endroits les plus connus de la rue. C’était un café où se réunissaient toujours après les conseils communaux, le maïeur et tout le monde. J’aimais y rencontrer les joueurs de piquet. C’était un petit café de plain-pied qui avait une très bonne cave dans un fossé. Alzire, c’était une Berthet, son père a souvent sonné les cloches à l’église. Nous voici maintenant devant la maison du vétérinaire Polet. Avant la guerre 1914-1918, juste « après chez Polet », il y avait là un magasin de papier peint, chez Vansillette. Et puis il y avait la maison d’Elie Oleffe, qui lui, était plombier. La cour de cette maison était en terre battue, entourée de massifs. C’est actuellement la cour de l’école “des sœurs”. Cette école a été bâtie en 1915, occupée d’abord par les garçons, qui seront rejoints par les filles en 1918. »