Voir aussi :

La Quenique ou les nécropoles à Court-Saint-Étienne
aux âges pré-romains


Depuis la fin du XVIIIe siècle déjà, des écrits relatent des découvertes de sites et d'objets fort anciens dans le sol de Court-Saint-Étienne, aux lieux dit La Quenique[1] et la Plantée des Dames (Noirhat). Les observations parfois fortuites, par exemple lors du travail du sol dans des plantations de sapins à la fin du XIXe siècle, ou d’autres fois plus systématiques, réalisées fin du XIXe début du XXe siècle sous l’impulsion principalement du Comte Eugène Goblet d’Alviella, sont souvent trop fragmentaires ; les fouilles anciennes n’ont jamais été réalisées avec la rigueur des techniques modernes : des centaines d’urnes de tombes plates ont été détruites, des dizaines de tombelles ont été éventrées, les récoltes d’objets se sont faites sans prendre garde à conserver les connexions entre les objets d’un même mobilier ; les emplacements même des prélèvements sont décrits sans grande précision. A Court-Saint-Etienne, seules des nécropoles sont connues ; elles sont liées à l’occupation de deux peuplades différentes : l’une des Gens des Champs d’Urnes, et l’autre de guerriers « Hallstattiens » ; les sites d’habitats ou de fortifications sont totalement méconnus. La plupart des objets récoltés sont aujourd’hui conservés aux Musées royaux d’art et d’histoire à Bruxelles.   Les avantages naturels des lieux ont certainement contribué au choix du site par des populations depuis le néolithique : promontoires sablonneux en pente raide avec vue sur de larges horizons, versants les mieux exposés, entre les plateaux limoneux propices à l'agriculture et les fonds de vallées humides nécessaires à l'approvisionnement en eau.

Néolithique de 2600 à 1600 A.C.
  Les premières communautés néolithiques nous laisseront de nombreux outils ou des éclats travaillés. Quelques 1500 silex dont des haches polies, des lames, des grattoirs, des pointes de javelots ont été récoltés essentiellement sur le plateau de la Quenique. Malgré cette abondance, on ne connaît pas les structures de l'habitat qui devait s'y développer.

Âge du Bronze de 1600 à 650 A.C : la nécropole à tombes plates
  De 1800 à 1200 av. J.-C., une civilisation protoceltique venant de l'Est s'étend rapidement dans une partie de l'Europe centrale occidentale. De 1200 à 800 av. J.-C., plusieurs vagues d'invasions étendent leur influence jusqu'en Espagne. C'est cette deuxième période dite aussi période de la " civilisation des Champs d'Urnes" qui voit le développement des oppida, c'est aussi la pratique de l'incinération et des tombes plates en pleine terre. Fusionnant avec les populations préhistoriques existantes, les Celtes vont créer une civilisation originale[2] et un art souvent inspiré par la nature[3].  

   

Les tombes plates à La Quenique étaient certainement très nombreuses puisque l’on mentionne la présence de plusieurs centaines d’urnes. Les dépôts des tombes se trouvaient enfouis à 40 cm sous le niveau du sol. Les urnes rangées en lignes étaient recouvertes d’une plaque faite dans la roche schisteuse locale. Les défunts ne portaient que très peu d’objets de parure ; ils étaient incinérés probablement en un endroit spécialement affecté à cet usage. Seuls les fragment d’os et les objets de parure étaient déposés dans des urnes cinéraires dans lesquels étaient parfois déposés l’un ou l’autre objet en bronze (rasoir, épingles, bracelet) ou en terre cuite, parfois un vase. Les urnes déposées dans le puits étaient ensuite recouvertes de terre. Un très petit tertre devait indiquer l’emplacement de la tombe.

Premier âge du Fer dit de Hallstatt de 800 à 450 A.C : les sépultures à incinération sous tombelles  
Du nom d’un village autrichien proche d’une importante nécropole, cette période correspond à l'organisation de la société gauloise. Le développement du commerce entre Celtes et peuples de la Méditerranée voit la civilisation celtique rayonner en Europe occidentale. C’est aussi le développement de la métallurgie et du fer. Le fer permet l’introduction de meilleurs outils et d’armes qui révolutionne aussi bien l’agriculture que l’art de la guerre. Il s’agit plus d’une lente mutation due au progrès que d’une différenciation de civilisation.

C’est sans doute vers le milieu du VIIe siècle avant notre ère que sont arrivés des guerriers armés d’épées de bronze et de fer. Les sépultures ne sont plus des tombes plates, mais bien des tombelles avec mobilier, nettement visibles dans le paysage. À La Quenique, plus d’une trentaine de tombelles devaient vraisemblablement étendre la nécropole à tombes plates. Le mobilier important indique qu’il s’agit ici de sépultures d’une classe occupant un haut rang social : des épées de bronze, plusieurs longues épées de fer, des pièces de harnachement, un grand ornement de poitrail, des urnes, des vases,… constituent le résultat des fouilles. Contrairement à la période précédente, un emplacement était aménagé pour un bûcher, là où devait s’élever le futur tertre funéraire. Le corps était posé sur le bûcher, vêtu et muni de sa parure corporelle : épingles, fibules, bracelets, bagues… Durant la cérémonie funéraire, les armes du défunt étaient rendues inutilisables : les épées de bronze étaient brisées et jetées sur le bûcher allumé, celles en fer étaient parfois ployées. Les harnachements des chevaux du défunt étaient également jetés au bûcher ; plus ou moins richement ornés d’accessoires en bronze, ces éléments montrent d’importants dégâts occasionnés par le feu. Témoins d’un changement de rites funéraires au cours du temps sans doute, certaines tombelles montrent des objets intacts (hache, coutelas, lance, épée à antennes, mors, …) déposés à l’état non abîmé et en tas sur l’aire du bûcher refroidi. Les ossements sont ensuite rassemblés dans une urne. Non recouverte, elle n’est plus placée dans un puits, mais bien sur le niveau du sol primitif, sur les résidus du bûcher. Parfois, reflet de traditions différentes, la tombelle ne contient pas d’urne et le dépôt des ossements est fait en un simple petit tas. Un tertre de sable était alors déversé, sans structure particulière, sur l’ensemble, pour former une butte pouvant atteindre 1,8m de haut et 25m de diamètre.


Deuxième âge du Fer dit de La Tène de 450 à 51 A.C.
  C'est l'apogée de la civilisation et de l'art celte jusqu'aux Balkans, Grèce, Asie Mineure et Gaule tout entière avant la décadence rapide sous l'avancée de l'Empire Romain. De cette époque, Court-Saint-Etienne ne connaît aucune trace. Il n’est pas impossible que des raids de cavaliers scythes ont détruit la puissance celtique de notre région.

Pasted Graphic

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Tombelle sur laquelle fut érigée au début du XIXe un calvaire, disparu aujourd’hui, baptisé Calvaire Liboutton.


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Le blason de la commune fait mention des tombelles dans son premier quartier
(voir
les armoiries de Court-Saint-Etienne)


JPhL février 2004

Notes :
[1] Le nom du lieu «  La Quenique » doit provenir du mot dialectal « quinique » qui signifie « caillou ». Il proviendrait soit de la présence de cailloux dans les sables formant le sous-sol du plateau ou de celle de nombreux outils de silex, vestiges des tribus paléolithiques et néolithiques qui l’ont occupé.
[2]
La langue celte ne s'est conservée que dans quelques réduits (Bretagne, Cornouailles, Pays de Galles, Irlande, Écosse). L'écriture gauloise, transcription de la langue dans des alphabets étrangers, ne sera pas utilisée dans le domaine des idées, il n'y a pas eu d'<> gaulois. Elle ne sera utilisée que pour des comptes, des dédicaces, des inscriptions mortuaires ou magiques. Il nous reste de la langue gauloise beaucoup de noms de lieux et une septantaine de mots se rapportant à la nature ou à l'agriculture comme ruche, tonneau, charrue, sillon, arpent, chemin, lieue, barque, chemise, bec, cheval, mouton, bouc, truie, alouette, sapin, chêne, bruyère, lande, ...
[3]
Le calendrier celtique répartit l'année en :
- 29 "semaines" de 10 jours : deux "semaines" sous le signe du noisetier, du sorbier, de l'érable, du châtaignier, du frêne, du charme, du figuier, du pommier, du sapin, du cyprés, du cèdre, du pin, du saule et du tilleul et une "semaine" sous le signe du noyer
- 3 périodes du peuplier de 5, 14 et 9 jours
- 1 période réunissant le noyer et l'if, soit 19 jours
- 4 jours pour les quatre "arbres cardinaux" : le chêne (21 mars), le bouleau (24 juin), l'olivier (23 septembre) et le hêtre (22 décembre).
Plus qu'un moyen de se repérer dans le temps, c'est un moyen de perpétrer un savoir. À chaque arbre correspond tout un ensemble de significations, toute une richesse symbolique; c'est un complexe initiatique qui doit révéler à chacun que toutes les choses sont liées entre elles.


Bibliographie partielle :
- DETHYSE M., 1984. Les sites archéologiques et les vieux chemins. In :Le Folklore Brabançon, n° 241-242. pp 511 à 513.
- MARIEN M.-E., 1958.
Trouvailles du Champ d’Urnes et des Tombelles hallstattiennes de Court-Saint-Etienne. Monographies d’Archéologie Nationale , I, Musées Royaux d’Art et d’Histoire, 269 p.
- PILLOY P. & DUBOISDENGHIEN, M.,  1984.
Promenades dans le passé. In : Le Folklore Brabançon, n° 241-242 . pp 409 à 425.
- PILLOY-CORTVRIENDT P., 1980 et sv. (addenda 1995).
1218 Curtis Sancti Stephani. Guide - inventaire de Court-Saint-Etienne. Ed. Philsteph, 587 p.
- VESCOLI M., 1996.
Calendrier celtique. Collection «Le Nom de l’Arbre» Actes Sud, 137 p.